Dans un cet entretien, le président du parti l’Union des Démocrates pour le Développement (UDD), Dikbo Hubert dénonce les maux qui minent la société tchadienne et présente le projet de société que le parti UDD a pour le peuple tchadien.
Bonjour Monsieur le Président ! Vous êtes le leader du tout dernier né des partis politiques. Dites-nous, pourquoi UDD et comment se porte-t-il ?
Dikbo Hubert : L’UDD est créée le 11 septembre 2021 au cours d’une assemblée générale constitutive. Elle a obtenu son autorisation de fonctionner sous le folio 525 du 22 décembre 2022. Un parti politique nait toujours d’une réflexion, d’une prise de conscience. Nous avons suivi certains leaders politiques et nous avons compris que nous n’avons pas notre avenir. Voilà pourquoi nous (les jeunes) nous sommes lancés à vouloir créer ce cadre d’expression politique qui nous permettra de jouer notre rôle sur la scène politique tchadienne, de ne pas être des observateurs mais d’être des acteurs sur scène et de contribuer à la gestion de notre pays, le Tchad. Ce sont là, les raisons fondamentales qui nous ont poussés à créer l’UDD. Nous avons aussi pensé que nous avons atteint une maturité politique et nous pouvons aussi jouer notre rôle, porter la charge de la responsabilité de ce pays parce que nous avons toutes les compétences pour gérer ce pays.
L’UDD depuis sa création connait beaucoup d’engouements avant que nous ayons l’autorisation officielle et je voudrai vous rassurer que l’UDD est connue un peu partout et grâce à vous les médias. Je viens une fois de plus vous remercier. Il y a surtout un grand engouement au niveau de la jeunesse, du monde rural…
Quel projet de société avez-vous pour la population tchadienne ?
Dikbo Hubert : Si aujourd’hui nous prenons un homme de n’importe quelle partie du Tchad, que ce soit un paysan ou un éleveur, il connait les maux qui minent ce pays. Ce sont l’injustice, le clanisme, le régionalisme, le népotisme et la gabegie qui entourent la gestion de ce pays depuis plus de 62 ans d’indépendance. Nous, Tchadiens, nous ne nous retrouvons plus dans ce Tchad. Nous nous sommes dit qu’ensemble nous pouvons le soulever, le redresser. Et nous avons pour slogan « Ensemble redonnons au Tchad sa grandeur ! ». La grandeur d’un pays riche par ses ressources, riche dans sa diversité mais ses ressources qui depuis nombre d’années ne profitent pas au peuple tchadien et nous voudrions combattre tout cela pour que le Tchad soit un pays envié et enviable. Raison pour laquelle nous nous sommes lancé pour asseoir un pays basé sur l’équité, la justice, redresser une économie qui peut permettre aux tchadiens de mieux vivre que ce que nous sommes en train de vivre actuellement.
Pourriez-vous expliquer au peuple ce que représente l’emblème de l’UDD ?
Dikbo Hubert : L’emblème du parti fait beaucoup couler d’encre et de salive évidemment. Ça sort un peu de l’ordinaire. Pour celui qui a une lecture profonde, il comprend pourquoi il y a des fourmis qui tentent de soulever un éléphant. L’éléphant pour nous est le Tchad. Le Tchad est aujourd’hui par terre ; un pays qui n’existe pas sur la carte du monde à notre avis. Les fourmis de leur existence, ce sont des peuples très faibles mais quand elles se mettent ensemble, elles sont capables de détruire une montagne, de soulever ce qu’un individu ne peut pas faire, de soulever un éléphant, de le ronger. Aujourd’hui, nous pensons que nous pouvons faire du peuple tchadien des fourmis qui doivent conjuguer leurs forces, une synergie d’action, l’union qui fait la force pour soulever ce pays qui est à terre, qui est dans l’agonie, un pays qui est paralysé dans tous les domaines. Voilà pourquoi on a symbolisé ce logo par des fourmis qui sont en train de soulever un éléphant. C’est l’union qui fait la force et nous sommes des fourmis qui doivent conjuguer leurs forces pour relever ce pays qui est à terre.
Monsieur le président, quelle analyse faites-vous de la situation sociopolitique actuelle ?
Dikbo Hubert : Le Tchad n’avance pas. Le climat est morose en politique depuis les événements du 20 octobre 2022. Un climat de peur s’est installé et un muselement aussi de la scène politique par le pouvoir en place. Ce sont les mêmes pratiques que nous constatons. Le système de Déby fils, c’est le copier-coller de Déby père avec les nominations clanique ; l’inflation exorbitante, des tueries en masse en ce qui concerne les conflits intercommunautaires ; le phénomène des enlèvements contre rançon qui perdure, la cherté de vie. Aujourd’hui, le tchadien ne peut pas vivre aisément et ça devient délicat pour ce pays. Nous assistons aux détournements des deniers publics qui deviennent une culture dans ce pays. A mon avis, le Tchad n’avance pas malgré le dialogue, malgré la volonté du gouvernement en place. Mais, il faut des mesures pratiques.
L’année 2022 vient de s’achever. Quel bilan peut-on faire de cette année sur le plan politique, économique, social …?
Dikbo Hubert : Le bilan est mitigé sur le plan politique. La crise politique qui a atteint son apogée le 20 octobre 2022 a terni l’image de notre pays qui, de son histoire, n’a jamais connu autant de morts enregistrés lors d’une manifestation. Cette situation vient mettre notre pays sur une autre dimension par rapport à ce qui s’est passé. Le bilan sombre que je voudrais aussi définir, ce sont les tueries intercommunautaires qui ont pris une certaine dimension en 2022. Nous n’oublions pas non plus les inondations qui ont été très douloureuses pour de nombreuses familles à travers le territoire national parce que des dispositions n’ont jamais été prises pour faire face à ces genres de chose que ce soit dans les provinces ou dans les grandes villes comme N’Djaména et Moundou, sont des stigmates que des familles vont porter pendant beaucoup de temps.
Sur le plan économique, l’inflation gangrène les ménages tchadiens. C’est difficile aujourd’hui pour un ménage tchadien de s’offrir un repas dans la journée. L’on note un repli identitaire et les Tchadiens n’arrivent plus à s’identifier comme un peuple mais en tant que communauté et c’est bien dommage. C’est ce qui fait que la cohésion sociale est en difficulté dans ce pays. La cohabitation pacifique, malgré les efforts qui sont fait ça et là par le pouvoir en place, par les leaders religieux…, nous n’avons pas un tissu social stable.
Il y a une gestion du pouvoir en place qui fait que le tissu social n’est pas consolidé parce qu’il y a une gestion clanique des affaires publiques. Il y a des nominations régionalistes, il y a le népotisme et il y a une grande partie des Tchadiens qui observent ce qui se passe et quand il y a une minorité des Tchadiens qui ont le monopole du pouvoir d’achat, de l’armée, de l’administration et de tout, cela fruste. C’est ce qui fait que le tissu social se déchire au fur et à mesure. Sinon le bilan positif de 2022, c’est l’accord de Doha et la tenue du DNIS qui a permis au moins pour la première fois dans l’histoire de ce pays de réunir tous les Tchadiens des différents coins pour faire table-rase du passé, redéfinir un peu une nouvelle page de ce pays. L’accord de Doha est la plus grande réussite même si tous les politico-militaires n’ont pas apposé leur signature, le plus dur a été fait et nous voudrions que cet accord puisse ramener la paix définitive dans ce pays.
Même si le président s’efforce à agir quelques fois, nous trouvons qu’il n’a pas les mains libres pour gérer ce pays. Il y a toujours un lobbying qui pilote le Tchad et ça se voit lorsqu’un président de la République se justifie à chaque fois à travers des déclarations sur les réseaux sociaux, je crois que ce n’est pas de la responsabilité d’un président de la République. Dernièrement avec la liste des policiers où il y a deux, trois familles, il dit que ça doit être corrigé. Non, un président de la République ne demande pas qu’un acte gouvernemental soit corrigé. Il agit, il saute le ministre en question. A chaque fois, ce sont les justifications et les mêmes erreurs se reproduisent et une grande partie des Tchadiens qui subissent.
A l’issue du DNIS, un mandat de 2 ans est accordé au Général Mahamat Idriss Déby Itno pour assurer la transition. En tant qu’homme politique, comment appréciez-vous cela ?
Dikbo Hubert : Nous n’avons pas à remettre en cause les conclusions du DNIS. Le DNIS a permis de redéfinir la transition, de permettre à ce qu’en deux ans nous puissions définir tous les canevas, mettre sur pied un processus équitable pour parvenir aux élections démocratiques et transparentes. Mais il faudrait qu’on mette à profit les 2 ans de cette transition pour permettre de donner espoir au peuple tchadien, de changer la gouvernance de ce pays ; de préparer les élections qui pourront être très inclusifs pour permettre à tous les tchadiens désirant de briguer la magistrature suprême de se positionner. Mais la question que nous nous posons aujourd’hui est quel sera le sort du président de la République à l’issue de ces 2 ans et de son équipe parce qu’on ne peut pas être juge et partie. Oui, le président et tous les membres du gouvernement peuvent être candidats à l’élection présidentielle, le DNIS leur a permis cela. Mais comment ils vont se prendre parce que c’est un gouvernement qui est sensé préparer les élections alors on ne voit pas comment un premier ministre qui est candidat va encore animer le gouvernement ; un président qui va être en place pendant qu’il n’a pas cette légitimité parce qu’il n’a pas été élu. C’est le dialogue qui a donné cette légitimité. Au moment venu, tous ceux qui sont dans le gouvernement doivent démissionner pour prétendre donc avoir un autre gouvernement qui va organiser les élections.